Un profil statistique des 20 900 artistes professionnel-le-s de l’île de Montréal
Montréal a une forte concentration d'artistes dans sa population active
À l’aide de données du recensement long de 2021 commandées par Hill Stratégies, cet article dresse les caractéristiques démographiques et d’emploi, et analyse les revenus des artistes de l’île de Montréal. Dans cet article, les termes « île de Montréal » et « Montréal » correspondent à la Division de recensement de Montréal, soit le « Territoire équivalent de Montréal ».
L’article offre en outre de l’information sommaire sur les personnes occupant des postes de leadership et pour l’ensemble des professions dans le domaine des arts, de la culture et du patrimoine (une catégorie qui comprend les artistes et les « leaders artistiques », terme défini plus loin).
Cet article a été rendu possible grâce à l’appui financier du Conseil des arts de Montréal.
Méthodes et catégories professionnelles
L’analyse porte sur les travailleur-se-s professionnel-le-s. Le concept de « professionnel-le » est défini ainsi : les données du recensement identifient comme « professionnel-le-s » les gens qui ont consacré plus d’heures à leurs activités artistiques qu’à toute autre occupation professionnelle entre le 1er et le 8 mai 2021, plus les personnes qui ne faisaient pas partie de la population active à ce moment, mais qui ont consacré plus d’heures à leurs activités artistiques qu’à toute autre occupation professionnelle entre janvier 2020 et mai 2021. Les artistes à temps partiel qui ont passé plus de temps dans un autre métier en mai 2021 seraient comptabilisés comme faisant partie de cette autre profession. (La même définition s’applique pour les leaders artistiques et toutes les professions culturelles.)
Le travail contractuel — les « gigs », comme on les appelle communément sur le terrain — est répandu depuis longtemps parmi les artistes. Sur Internet, certaines sources indiquent même que le terme gig a été inventé par des musicien-ne-s jazz au début des années 1900. (Des exemples de sources ici et ici.) Or, en raison de la nature atypique de l’horaire des artistes, il est parfois difficile de les inclure dans les calculs statistiques, ce qui complique aussi le processus. Les estimations du nombre d’artistes à partir du recensement ont tendance à être en dessous des chiffres réels. Par ailleurs, le recensement ne comprend aucune question sur certains sujets d’intérêt pour le milieu culturel, comme les emplois secondaires ou le nombre d’heures travaillées.
Le portrait global inclut des gens qui travaillent dans différents secteurs de l’économie, que l’on peut classer soit dans l’un des dix groupes de professions artistiques, l’un des cinq groupes de leaders artistiques ou l’un des 52 groupes de professions culturelles. Dans un article antérieur, vous trouverez le détail des groupes professionnels inclus dans chacune des catégories. Cet autre article (en anglais) propose une analyse des forces et limites du recensement quant au dénombrement des artistes et travailleur-se-s de la culture.
Lorsque vient le temps d’interpréter les données du recensement sur les artistes, recueillies en mai 2021, il est essentiel de se rappeler le contexte difficile de la pandémie au printemps 2021. Les chiffres sur les revenus portent sur l’année civile 2020.
Contexte : des données québécoises sur les artistes et travailleur-se-s culturel-le-s
Au Québec, on compte 43 100 artistes professionnel-le-s, qui représentent 0,9 % de la population active, ou une personne québécoise sur 110. (Voici une liste des dix groupes de professions artistiques.)
Concernant les travailleur-se-s occupant un poste de leadership dans les arts, il y a 14 900 travailleur-se-s québécois-e-s s dans cinq groupes professionnels choisis comme postes de leadership, dont les personnes qui occupent des rôles comme producteur-trice, réalisateur-trice, chorégraphe, chef-fe d’orchestre, compositeur-trice, conservateur-trice, restaurateur-trice et gestionnaire des arts et du patrimoine. Notez que deux professions de leadership artistique sont également considérées comme des professions d’artistes, soit les chefs d’orchestre/ compositeur-trice-s et les producteur-trice-s/ réalisateur-trice-s/ chorégraphes. Ainsi, le nombre de leaders artistiques ne devrait pas être additionné au nombre d’artistes.
L’analyse ratissant le plus large rapporte 225 600 travailleur-se-s québécois-e-s dans la catégorie des arts, de la culture et du patrimoine, soit 4,8 % de la main-d’œuvre québécoise. Les 52 groupes professionnels dans cette catégorie comprennent les dix groupes de professions artistiques ainsi que les cinq groupes de professions de leaders artistiques, et d’autres professions du domaine de la culture (ex. : designer graphiques, opérateur-trice d’équipement d’impression, éditeur-trice, traducteur-trice, architecte et professionnel-le en collecte de fonds, publicité, marketing ou relations publiques) et du patrimoine (ex. : bibliothécaire, conservateur-trice et archiviste).
20 900 artistes professionnel-le-s sur l’île de Montréal
Les 20 900 artistes professionnel-le-s de l’île de Montréal représentent 1,8 % de la main-d’œuvre locale, un pourcentage bien supérieur aux moyennes québécoise (0,9 %) et canadienne (1,0 %). Un-e Montréalais-e qui travaille sur 55 est un-e artiste.
Montréal abrite 48 % de toute la communauté artistique professionnelle du Québec, soit le double du pourcentage montréalais de la population active québécoise (24 %).
Les régions voisines ont des concentrations d'artistes moins élevées.
Laval (territoire équivalent) : 1 300 artistes, 0,5 % de sa population active de 247 000
Longueuil (territoire équivalent) : 2 400 artistes, 1,0 % de sa population active de 244 000
Il y a des données fiables pour neuf municipalités de l'île :
Westmount : 280 artistes, 2,7 % de sa population active de 10 300
Montréal : 19 500 artistes, 1,9 % de sa population active de 1 016 800
Beaconsfield : 130 artistes, 1,2 % de sa population active de 10 700
Dorval : 120 artistes, 1,1 % de sa population active de 11 400
Pointe-Claire : 180 artistes, 1,0 % de sa population active de 17 600
Côte-Saint-Luc : 170 artistes, 1,0 % de sa population active de 17 100
Mont-Royal : 100 artistes, 0,8 % de sa population active de 11 300
Dollard-Des Ormeaux : 150 artistes, 0,6 % de sa population active de 27 200
Kirkland : 50 artistes, 0,5 % de sa population active de 11 000
Pour assurer la fiabilité des données, cet article ne présente aucune estimation portant sur moins de 40 personnes.
Niveaux d’éducation élevés et haut taux de travail indépendant
Parmi les artistes de l’île de Montréal :
55 % ont un baccalauréat ou un grade supérieur, plus élevé que les pourcentages chez l’ensemble des travailleur-se-s montréalais-e-s (44 %) et chez les artistes québécois-e-s (46 %) ;
64 % travaillent à titre indépendant, soit cinq fois plus que pour l’ensemble des travailleur-se-s montréalais-e-s (14 %), mais similaire au pourcentage dans la communauté artistique québécoise (62 %) ;
47 % sont des femmes (certaines personnes non binaires comprises), soit une proportion à peu près égale à celles de tou-te-s les travailleur-se-s de Montréal (48 %) et de tou-te-s les artistes québécois-e-s (49 %) ;
21 % ont 55 ans ou plus, une proportion à peu près égale à celle de la population active de l’île (20 %) mais moins élevée que celle de la communauté artistique québécoise (28 %) ;
45 % parlent anglais (c’est-à-dire la langue officielle minoritaire), ce qui reflète bien la proportion des travailleur-se-s sur l’île (44 %), mais dépasse la proportion de locuteur-trice-s de langue minoritaire parmi les artistes du Québec (32 %) ;
26 % ont un enfant à la maison, un taux inférieur à la situation chez les travailleur-se-s montréalais-e-s (35 %) et pour l’ensemble des artistes québécois-e-s (31 %) ;
15 % sont des personnes issues de groupes racisés, bien moins que le pourcentage de l’ensemble des travailleur-se-s de Montréal (37 %) mais plus que celui des artistes québécois-e-s (11 %) ;
20 % ont immigré au Canada, soit beaucoup moins que parmi toute la population active montréalaise (36 %), mais plus que parmi la communauté artistique québécoise les artistes de tout le Québec (15 %) ;
1,3 % sont Autochtones. À titre de comparaison, les travailleur-se-s autochtones de tous les domaines à Montréal représentent 0,8 %, et les artistes autochtones du Québec, 2,1 % de tou-te-s les artistes.
Le revenu des artistes professionnel-le-s était bas en 2020
Cet article propose une analyse financière centrée sur les revenus médians, qui offre une meilleure indication de la situation typique des artistes que la moyenne, une mesure statistique qui subit une certaine distorsion sous l’influence d’une minorité de personnes ayant un revenu très élevé.
Notez que les statistiques sur le revenu tirées du recensement de 2021 portent sur l’année civile 2020, qui a été bousculée par plusieurs épisodes de confinements et par un ralentissement généralisé de l’activité artistique dus à la pandémie.
Nous proposons ici trois mesures du revenu des artistes : le revenu d’emploi médian, le revenu personnel médian et le revenu médian des ménages. Le revenu d’emploi indique les gains liés au travail des artistes ; le revenu personnel représente toutes les sources de revenu (y compris l’aide financière versée pendant la pandémie) ; et le revenu des ménages donne la mesure de la situation financière familiale des artistes. Nous mettons l’accent sur le revenu personnel médian, en raison de la situation particulière qui prévalait en 2020.
En 2020, le revenu d’emploi médian des artistes de Montréal n’était que de 17 400 $, ce qui représente la moitié du revenu d’emploi médian de l’ensemble des travailleur-se-s de l’île (35 600 $). Cependant, le revenu d’emploi médian des artistes de Montréal est supérieur de 14 % au revenu médian des artistes québécois-e-s (15 200 $).
Le revenu personnel médian des artistes (toutes sources confondues) s’est établi à 35 600 $, soit 21 % de moins que celui de l’ensemble des travailleur-se-s de Montréal (44 800 $) mais très semblable à la médiane des artistes du Québec (35 200 $). Le graphique ci-dessous présente le revenu personnel médian des artistes et de tou-te-s les travailleur-se-s sur l’île de Montréal et au Québec.
Toujours en 2020, le revenu médian du ménage des artistes était de 75 500 $, 21 % de moins que celui des travailleur-se-s de Montréal (95 000 $) et 9 % de moins que le revenu médian de l’ensemble des artistes québécois-e-s (83 000 $).
Montréal abrite un large éventail d’artistes
Parmi le large éventail d’artistes qui résident à Montréal, la profession des producteur-trice-s, réalisateur-trice-s et chorégraphes arrive en tête, représentant 29 % des artistes de l’île, une proportion très élevée et légèrement supérieure à celle d’autres grandes villes comme Toronto (27 %) et Vancouver (25 %). Du plus répandu au plus rare, voici les groupes de professions des artistes sur l’île de Montréal :
Producteur-trice-s, réalisateur-trice-s, chorégraphes et personnel assimilé : 6100 (29 %)
Musicien-ne-s : 3 200 (15 %)
Écrivain-e-s : 3 100 (15 %)
Acteur-trice-s, humoristes et artistes du cirque : 2 200 (11 %)
Peintres, sculpteur-trice et autres artistes visuel-le-s : 1 900 (9 %)
Photographes : 1 500 (7 %)
Danseur-se-s : 860 (4 %)
Artisan-es : 860 (4 %)
Chef-fe-s d’orchestre, compositeur-trice-s et arrangeur-se-s : 640 (3 %)
Autres interprètes : 500 (2 %)
Les arts, spectacles et loisirs constituent le plus vaste secteur pour les artistes de l’île, employant environ le tiers (35 %). Dans ce secteur, c’est le groupe des artistes, auteur-trice-s et interprètes indépendant-e-s qui possède le plus grand nombre d’artistes (21 %), suivi par les compagnies d’arts d’interprétation (12 %).
Les deux secteurs suivants en importance sont celui des celui industries de l’information et culturelle (qui emploie 26 % des artistes montréalais-e-s) et celui des services d’enseignement (10 %).
Bon nombre d’artistes montréalais-e-s travaillent aussi dans d’autres secteurs de l’économie : toutes les autres industries (à l’exception des trois plus importantes mentionnées dans les paragraphes précédents) occupent 29 % des artistes.
Plus de 8 000 leaders artistiques
Un total de 8 200 Montréalais-e-s travaillent dans les cinq groupes professionnels considérés comme des professions dites de « leadership artistique ». La grande catégorie des producteur-trice-s, réalisateur-trice-s et chorégraphes représente environ les trois-quarts de ce nombre :
Producteur-trice-s, réalisateur-trice-s, chorégraphes et personnel assimilé : 6 100 (74 % des leaders artistiques sur l’île)
Directeur-trice-s en édition, cinéma, radiotélédiffusion et arts de la scène : 920 (11 %)
Chef-fe-s d’orchestre, compositeur-trice-s et arrangeur-se-s : 640 (8 %)
Directeur-trice-s de bibliothèques, des archives, de musées et de galeries d’art : 380 (5 %)
Restaurateur-trice-s et conservateur-trice-s : 170 (2 %)
Plus de 91 000 travailleur-se-s culturel-le-s sur l’île
Les 91 400 travailleur-se-s des arts, de la culture et du patrimoine sur l’île de Montréal représentent 8,0 % des 1 148 000 travailleur-se-s montréalais-e-s, soit bien plus que la moyenne québécoise (4,8 %) et celle du Canada (4,4 %). Un-e travailleur-se sur 13 sur l’île occupe une profession culturelle. Les travailleur-se-s culturel-le-s représentent 41 % de l’ensemble de leurs homologues au Québec, ce qui est de loin supérieur à la part montréalaise de la population active québécoise (24 %).
En 2020, un-e travailleur-se culturel-le typique à Montréal enregistrait :
un revenu d’emploi de 38 000, soit 7 % de plus que toute la population active montréalaise (35 600 $) ;
un revenu personnel total de 46 000 $, soit 3 % de plus que l’ensemble des travailleur-se-s montréalais-e-s (44 800 $) ;
un revenu de ménage de 88 000 $, soit 7% de moins que l’ensemble des travailleur-se-s (95 000 $).