L’économie culturelle du Canada en 2023 : Une vue d’ensemble
Analyse macroéconomique des données de 2012 à 2023 concernant les emplois, les recettes et l’impact direct sur le PIB
Cet article explore les principaux indicateurs économiques du secteur des arts, de la culture et du patrimoine au Canada en 2023, en retraçant leur évolution depuis 2012.
Trois indicateurs clés sont examinés :
La production (essentiellement une estimation des recettes totales)
L’impact direct sur le produit intérieur brut (PIB)
Les emplois
J’analyse les statistiques sur la production et le PIB sous trois perspectives : 1) comme publiées par Statistique Canada ; 2) rectifiées pour tenir compte de l’inflation ; et 3) rectifiées pour tenir compte de l’inflation et de la croissance démographique.
L’analyse repose sur les données pancanadiennes des indicateurs culturels nationaux de Statistique Canada pour 2023. Les données provinciales étant généralement en retard d’une année, j’ai analysé les données provinciales de 2022 à la fin de l’année dernière. Une analyse de l’impact économique de la communauté culturelle canadienne-française en 2022, publiée en novembre, est également disponible.
Cet article est le premier d’une série de deux analyses approfondies de l’économie des arts et de la culture au Canada. Le mois prochain, j’examinerai une estimation plus ciblée des « arts » à partir des données disponibles.
De quoi traite cet article?
Bonne question!
Le présent article se concentre sur des statistiques générales englobant l’ensemble du secteur culturel (que je désigne aussi sous le terme « arts, culture et patrimoine »). Il inclut les neuf domaines définis dans les données économiques de Statistique Canada : les spectacles sur scène ; les arts visuels et appliqués ; les écrits et les ouvrages publiés ; l’enregistrement sonore ; l’audiovisuel et les médias interactifs ; le patrimoine et les bibliothèques ; la gouvernance, le financement et le soutien professionnel ; l’éducation et la formation ; le multidomaine. Une description de chaque domaine figure au bas de cet article.
Les estimations de la production (ou « recettes totales ») sont relativement larges : il s’agit de chiffres bruts (non nets), incluant certains doubles comptages, notamment lorsque des transactions ont eu lieu entre des organismes ou des individus au sein du secteur culturel. À l’inverse, les estimations du PIB mesurent la valeur ajoutée nette à l’économie. Le nombre d’emplois correspond aux postes à temps plein et à temps partiel, et n’est pas exprimé en équivalence à temps plein.
Selon la définition de Statistique Canada, le PIB du secteur culturel correspond à « la valeur économique ajoutée associée aux activités culturelles ». Il s’agit de la valeur ajoutée générée par la production de biens et de services culturels dans l’ensemble de l’économie, indépendamment du secteur d’activité qui les produit. Les emplois culturels désignent le nombre d’emplois liés à la production de biens et de services culturels.
Ces estimations concernent les produits culturels, c’est-à-dire la production de biens et de services culturels par des établissements des industries culturelles et non culturelles. Les estimations basées sur les produits culturels sont généralement inférieures à celles des recettes et de la valeur ajoutée des industries culturelles. Je les mets de l’avant ici, car elles sont, à ma grande surprise, plus communément utilisées dans le secteur. J’ai notamment examiné la différence entre ces deux types d’estimations dans cet article (en anglais).
Les estimations du PIB et de l’emploi capturent uniquement les impacts directs et sont donc relativement modestes. Ces mesures excluent des éléments couramment mesurés, tels que les impacts indirects (la réallocation des dépenses des organismes culturels) et les impacts induits (la réallocation des salaires des travailleur-euse-s culturel-le-s et de leurs fournisseurs). Toutefois, cette approche plus ciblée présente l’avantage d’assurer une comparabilité entre différentes administrations et avec le PIB d’autres secteurs de l’économie.
Je dois également souligner qu’il s’agit essentiellement ici d’un exercice de comptabilisation des recettes et des dépenses, et non d’une évaluation de la valeur globale du secteur culturel pour la société. Le secteur culturel apporte une richesse immatérielle à la société canadienne de nombreuses façons qui ne sont pas abordées dans cette analyse.
Macroéconomie des arts, de la culture et du patrimoine en 2023
En 2023, les recettes totales du secteur culturel s’élèvent à environ 122 milliards de dollars, soit une augmentation de 27 % par rapport à 2012 (96 milliards de dollars).
Les arts, la culture et le patrimoine ont un impact direct sur le PIB de près de 61 milliards de dollars en 2023, en hausse de 24 % par rapport à 2012 (49 milliards de dollars).
Le secteur culturel compte 645 900 emplois à temps plein et à temps partiel en 2023, soit une augmentation de 3 % par rapport à 2012 (627 600).
Ces variations en pourcentage semblent très positives, peut-être même trop. Cette analyse ne tient pas compte de l’inflation, de la croissance démographique, ni des différences entre les divers domaines du secteur culturel. Dans la suite de l’article d’aujourd’hui, j’examinerai plus en profondeur les statistiques du secteur culturel dans son ensemble. J’aborderai spécifiquement les arts dans un prochain article.
Rectifications pour tenir compte de l’inflation et de la croissance démographique
Les statistiques ci-dessus sont dites « nominales » et ne tiennent pas compte de facteurs économiques importants, comme l’inflation ou l’évolution de la population. Idéalement, la croissance des indicateurs économiques du secteur culturel devrait au moins suivre celle de l’inflation, voir celle combinée de l’inflation et de la croissance démographique.
Production (ou recettes totales)
Le premier graphique de l’article présente trois mesures des recettes totales : les estimations nominales, les estimations rectifiées selon l’inflation et les estimations rectifiées selon l’inflation et la croissance démographique.
D’une certaine manière, ce graphique illustre que les recettes totales ont à la fois augmenté, stagné et diminué au cours de la même période. Les choix analytiques ont une grande importance!
Chacune des trois lignes du graphique représente une valeur indexée. Elles commencent toutes à 100 en 2012, la première année de données comparables.
La ligne nominale (non rectifiée) a augmenté la plupart des années depuis 2012, la plus grande exception étant 2020. La valeur de 127 en 2023 indique que les recettes ont augmenté de 27 % depuis 2012 (comme mentionné plus haut). En termes nominaux, les recettes totales en 2023 atteignent leur niveau le plus élevé depuis le début de l’ensemble de données en 2012.
Après rectification pour tenir compte de l’inflation (également appelé estimations « réelles »), le constat est moins optimiste. Les recettes réelles du secteur sont restées relativement stables, comme l’illustre la ligne violette qui se termine par 98 (soit une baisse de 2 % par rapport à 2012). Le niveau le plus élevé des estimations réelles a été atteint en 2019, avec une valeur de 102,4.
Après rectification pour tenir compte de l’inflation et de la croissance démographique (communément appelées estimations « réelles par personne »), les recettes du secteur culturel ont diminué de 15 % entre 2012 et 2023, comme l’indique la ligne rose en déclin, qui se termine à 85. Le niveau le plus élevé des estimations réelles par personne a été atteint en 2013, avec une valeur de 100,6, soit la deuxième année de la période couverte par le graphique.
Impact direct sur le PIB
Le graphique suivant présente trois mesures de l’impact direct du secteur culturel sur le produit intérieur brut : les estimations nominales, les estimations rectifiées selon l’inflation et les estimations rectifiées selon l’inflation et la croissance démographique. Les valeurs de l’indice commencent toutes à 100 en 2012.
La ligne nominale (non rectifiée) a connu des fluctuations au fil du temps. En effet, les hausses marquées depuis 2020 ont conduit à une augmentation globale de 24 % entre 2012 et 2023 (indice de 124). L’impact du secteur culturel sur le PIB en 2023 est au plus haut niveau depuis le début de l’ensemble de données en 2012.
La ligne violette, située au centre du graphique, est rectifiée pour tenir compte de l’inflation. L’impact réel du secteur culturel sur le PIB a peu varié, avec une valeur finale de 96, indiquant une diminution de 4 % entre 2012 et 2023. Le niveau le plus élevé des estimations réelles a été atteint en 2015, avec une valeur de 101,3.
Les estimations réelles par personne (c’est-à-dire rectifiées selon l’inflation et la croissance démographique) démontrent que l’impact direct du secteur sur le PIB a diminué de 17 % entre 2012 et 2023, comme l’indique la ligne rose qui se termine à 83. Les niveaux les plus élevés des estimations réelles par personne ont été enregistrés au cours des deux premières années de la série : 100,0 en 2012 et 100,04 en 2013 (avec deux décimales!).
Il n’est pas surprenant que les deux graphiques ci-dessus se ressemblent beaucoup. Les données sur la production (brute) sont la source des statistiques sur l’impact net du PIB.
Emplois
Le graphique sur les emplois à temps plein et à temps partiel liés aux produits culturels est beaucoup plus simple (une seule ligne ; aucun indice nécessaire).
Comme je l’ai indiqué plus haut, le nombre d’emplois dans le secteur culturel a augmenté de 3 % entre 2012 (627 600) et 2023 (645 900). Vous êtes maintenant des spécialistes en la matière et donc vous savez que, s’il s’agissait d’un graphique indexé, il se terminerait à 103 en 2023.
Le graphique illustre de nombreuses fluctuations dans les estimations d’emplois entre 2012 et 2023, ainsi qu’une forte baisse en 2020.
L’estimation du nombre d’emplois a atteint son niveau le plus élevé en 2019 (655 400). Autrement dit, les emplois culturels ne se sont pas encore complètement remis de la pandémie.
Bien que je n’aie pas rectifié les estimations d’emplois en fonction de la croissance de la population (ou de la population active), il est intéressant de noter que la population du Canada a augmenté de 16 % entre 2012 et 2023. L’augmentation de 3 % du nombre d’emplois culturels est donc bien inférieure à celle de la population.
Remarques
Source : Statistique Canada, tableau 36-10-0652-01 : Statistique Canada, tableau 36-10-0652-01. Indicateurs nationaux de la culture et du sport par domaine et sous-domaine. Quatrième trimestre 2023.
Les calculs tiennent compte de six principaux secteurs (appelés « domaines » par Statistique Canada) :
Les spectacles sur scène, qui comprend les arts de la scène ainsi que les festivals et les célébrations culturelles (excluant les organismes publics qui font partie du domaine « gouvernance, financement et soutien professionnel ») ;
Les arts visuels et appliqués, y compris l’architecture, la publicité, l’artisanat, le design et les autres œuvres d’art ;
Les écrits et les ouvrages publiés, y compris les livres, les journaux, les périodiques et les autres activités d’impression ;
L’audiovisuel et les médias interactifs, y compris la radiotélédiffusion, les films et les vidéos, ainsi que les médias interactifs (excluant les organismes publics qui font partie du domaine « gouvernance, financement et soutien professionnel ») ;
L’enregistrement sonore, qui comprend l’édition musicale ;
Le patrimoine et les bibliothèques (y compris les bibliothèques, les archives et le patrimoine culturel et naturel privés (excluant les organismes publics qui font partie du domaine « gouvernance, financement et soutien professionnel »).
Trois domaines de soutien sont également inclus dans les calculs :
La gouvernance, le financement et le soutien professionnel, y compris, entre autres, tous les lieux culturels publics qui ne sont pas comptabilisés dans les autres domaines, comme le patrimoine et les bibliothèques, les spectacles sur scène, les arts visuels et appliqués, etc.) ;
L’éducation et la formation, y compris les programmes culturels offerts par les établissements d’éducation et de formation ;
Le multidomaine, y compris les éléments qui ne peuvent pas être attribués à un seul domaine.