Un profil statistique des 2700 artistes professionnel-le-s au Nouveau-Brunswick en 2021
Les francophones représentent 32 % des artistes du Nouveau-Brunswick, ce qui constitue, à égalité avec le Québec, le plus haut pourcentage d’artistes de langue minoritaire parmi les provinces.
À l’aide de données spéciales issues du long recensement de 2021 commandées par Hill Stratégies, cet article dresse les caractéristiques démographiques et d’emploi, et analyse les revenus des artistes du Nouveau-Brunswick (N.-B.). Il offre en outre de l’information sommaire sur les personnes occupant des postes de leadership et toutes les professions dans le domaine des arts, de la culture et du patrimoine (une catégorie qui comprend les artistes et les leaders artistiques).
Cet article fait partie d’un projet d’étude plus vaste qui vise à évaluer les impacts et défis post-pandémie dans les arts et la culture au Nouveau-Brunswick. Ce projet comporte un sondage des établissements culturels (actuellement en phase d’analyse), des entrevues avec les gestionnaires d’établissements culturels (en cours) et une analyse de données du recensement et d’autres sources sur les arts et la culture dans la province (dont ce rapport fait partie).
Les résultats de cette étude constitueront une ressource qui éclairera le secteur des arts, de la culture et du patrimoine pour les dix prochaines années. Il n’existe d’ailleurs aucune autre source d’information approfondie sur les défis actuels des établissements culturels et leur importance pour le Nouveau-Brunswick.
Les partenaires du projet utiliseront les résultats de l’enquête pour renforcer leurs activités de partage d’informations, de politique et de défense des intérêts pour l’amélioration du secteur dans son ensemble. Ces partenaires sont l’Association acadienne des artistes professionel.le.s du Nouveau-Brunswick (AAAPNB), ArtsLink NB et la galerie d’art Owens de l’Université Mount Allison. Ce projet est piloté par un comité formé de Carmen Gibbs et Laurence Dubuc de l’AAAPNB, Julie Whitenect d’ArtsLink NB, Emily Falvey de la galerie d’art Owens et de l’artiste Emma Hassencahl-Perley.
Ce projet est soutenu par le Conseil des arts du Canada et le gouvernement du Nouveau-Brunswick.
Méthodes et catégories professionnelles
L’analyse porte sur les travailleur-se-s professionnel-le-s — le concept de « professionnel-le » étant toutefois défini de manière très précise. Les données du recensement sur les professions reflètent les gens qui ont consacré plus d’heures à leurs activités artistiques qu’à toute autre occupation professionnelle entre le 1er et le 8 mai 2021, plus les personnes qui ne faisaient pas partie de la population active à ce moment, mais qui ont consacré plus d’heures à leurs activités artistiques qu’à toute autre occupation professionnelle entre janvier 2020 et mai 2021. Les artistes à temps partiel qui ont passé plus de temps dans un autre métier en mai 2021 seraient comptabilisés comme faisant partie de cette autre profession. (La même définition s’applique pour les leaders artistiques et toutes les professions culturelles.)
Le travail contractuel — les « gigs », comme on les appelle communément sur le terrain — est répandu depuis longtemps parmi les artistes. Sur Internet, certaines sources indiquent même que le terme gig a été inventé par des musicien-ne-s jazz au début des années 1900. (Des exemples de sources ici et ici.) En raison de la nature atypique de l’horaire des artistes, il est difficile de les classer comme tel-le-s, ce qui complique aussi le processus statistique. Les estimations du nombre d’artistes à partir du recensement ont tendance à être bas. Par ailleurs, le recensement ne comprend aucune question sur certains sujets d’intérêt pour le milieu culturel, comme les emplois secondaires ou le nombre d’heures travaillées.
Le portrait des professions compte les gens qui travaillent d’un bout à l’autre de l’économie, tant que l’on peut les classer dans l’un des dix groupes de professions artistiques, l’un des cinq groupes de leaders artistiques ou l’un des 52 groupes de professions culturelles. Dans un article anglais, j’ai énuméré les groupes professionnels inclus dans chacune des catégories et expliqué les méthodes utilisées pour choisir ces 52 groupes de professions culturelles. Dans un autre article, vous trouverez certaines des forces et limites du recensement quant au dénombrement des artistes et travailleur-se-s de la culture.
Pour veiller à la confidentialité et à la fiabilité des données, cet article ne présente aucune estimation portant sur moins de 40 personnes.
Il est essentiel de se rappeler le contexte difficile de la pandémie au printemps 2021 au moment d’interpréter les données du recensement sur les artistes, recueillies en mai 2021. Les chiffres sur les revenus portent sur l’année civile 2020.
Contexte : des données pancanadiennes
À travers le Canada, on compte 202 900 artistes professionnel-le-s, qui représentent 1,0 % de la population active canadienne, ou une personne canadienne sur 102. Cet article dresse un portrait des artistes au Canada.
Une analyse semblable (en anglais) se penche sur les travailleur-se-s occupant un poste de leadership dans les arts au Canada. Il y a plus de 56 000 travailleur-se-s canadien-ne-s dans cinq groupes professionnels, qui comportent chacun des rôles individuels, tels que producteur-trice, réalisateur-trice, chorégraphe, chef-fe d’orchestre, compositeur-trice, conservateur-trice, restaurateur-trice et gestionnaire des arts et du patrimoine. Deux des professions de leader artistique (groupe qui comprend les chef-fe-s d’orchestre et compositeur-trice-s, ainsi que les producteur-trice-s, réalisateur-trice-s et chorégraphes) sont également considérées comme artistes. Ainsi, le nombre de leaders artistiques ne devrait pas être additionné au nombre d’artistes.
L’analyse ratissant le plus large rapporte 914 000 travailleur-se-s dans la catégorie des arts, de la culture et du patrimoine, soit 4,4 % de la main-d’œuvre canadienne. Les 52 groupes professionnels dans cette catégorie comprennent 10 groupes de professions artistiques ainsi que cinq groupes de professions de leaders artistiques, et d’autres professions du domaine de la culture (ex. : designer graphiques, opérateur-trice d’équipement d’impression, éditeur-trice, traducteur-trice, architecte et professionnel-le en collecte de fonds, publicité, marketing ou relations publiques) et du patrimoine (ex. : bibliothécaire, conservateur-trice et archiviste).
2700 artistes professionnel-le-s au Nouveau-Brunswick
Les 2700 artistes professionnel-le-s du N.-B. représentent 0,6 % de la main-d’œuvre provinciale, un pourcentage bien inférieur à la moyenne nationale (1,0 %). Un-e Néobrunswickois-e qui travaille sur 158 est un-e artiste.
On compte 850 artistes francophones dans la province, soit 32 % de l’ensemble des artistes néobrunswickois-e-s. En matière d’artistes de langue minoritaire, cette proportion est, à égalité avec le Québec, la plus élevée au pays. La langue minoritaire est définie par la demande potentielle de communications et services fédéraux dans la langue officielle minoritaire. Cette définition plutôt large comprend les personnes hors Québec dont la langue maternelle est le français ou qui parlent le français à la maison, soit le plus souvent, soit comme langue secondaire. En tout, 1,4 million de personnes hors Québec pourraient potentiellement demander des services fédéraux en français, dont 256 300 au Nouveau-Brunswick.
Le Nouveau-Brunswick abrite 1,3 % de toute la communauté artistique professionnelle du Canada, et 2,1 % de la population active du pays.
Niveaux d’éducation élevés et très haut taux de travail indépendant
Parmi les artistes du Nouveau-Brunswick :
57 % sont des femmes (certaines personnes non binaires comprises), soit une proportion beaucoup plus élevée que parmi les travailleur-se-s du N.-B. (48 %) et légèrement plus que parmi les artistes canadien-ne-s (54 %) ;
30 % ont un enfant à la maison, un taux inférieur à la situation chez les travailleur-se-s néobrunswickois-e-s (38 %), mais semblable à celle de l’ensemble des artistes canadien-ne-s (31 %) ;
32 % parlent français (c’est-à-dire la langue officielle minoritaire), ce qui reflète assez bien la proportion des travailleur-se-s francophones du N.-B. (34 %), mais dépasse de loin la proportion de locuteur-trice-s de langue minoritaire parmi les artistes du Canada (11 %). Le pourcentage d’artistes de langue minoritaire au N.-B. est, à égalité avec le Québec, le plus haut parmi les provinces ;
5 % sont Autochtones. À titre de comparaison, les travailleur-se-s autochtones de tous les domaines au N.-B. représentent 4 %, et les artistes autochtones du Canada, 4 % de tou-te-s les artistes ;
5 % sont des personnes issues de groupes racisés, semblable au pourcentage de l’ensemble des travailleur-se-s du N.-B. (6 %) mais bien moins que celui des artistes canadien-ne-s (19 %) ;
13 % ont immigré au Canada, soit beaucoup plus parmi toute la population active de la province (6 %), mais bien moins que parmi les artistes de tout le Canada (21 %) ;
41 % ont un baccalauréat ou un grade supérieur, soit près du double que chez l’ensemble des travailleur-se-s néobrunswickois-e-s (23 %), mais un peu moins que chez les artistes canadien-ne-s (45 %) ;
36 % ont 55 ans ou plus, une proportion plus élevée que parmi toute la population active de la province (27 %) et les artistes canadien-ne-s (28 %) ;
58 % travaillent à titre indépendant, presque six fois plus que dans l’ensemble des travailleur-se-s de la province (10 %), mais moins que dans la communauté d’artistes canadien-ne-s (68 %) ;
41 % résident dans l’une des trois plus grandes villes de la province (Moncton, Fredericton et Saint-Jean), en comparaison avec 28 % de tou-te-s les travailleur-se-s néobrunswickois-e-s ;
41 % vivent en région rurale et 15 % habitent dans des régions où la population est inférieure à 30 000 personnes (mais qui ne sont pas considérées comme rurales).
Pour la toute première fois, le recensement de 2021 recueillait de l’information sur les résident-e-s transgenres et non binaires. Pour les artistes, les seules données disponibles englobent les quatre provinces de l’Atlantique réunies. La région compte ainsi environ 60 artistes trans et 110 non binaires. Combiné-e-s, ces artistes représentent 1,6 % des artistes de l’Atlantique, soit plus que la moyenne nationale de 1,2 %. Vous trouverez plus d’information sur les forces et limites de ces statistiques dans cet article (en anglais).
Le revenu des artistes professionnel-le-s était très bas en 2020
Cet article propose une analyse financière centrée sur les revenus médians, qui offriraient une meilleure indication de la situation typique des artistes que la moyenne, une mesure statistique qui subit davantage l’influence de quelques personnes ayant un revenu très élevé.
Nous offrons ici trois mesures du revenu des artistes : le revenu d’emploi médian, le revenu personnel médian et le revenu médian des ménages. Le revenu d’emploi indique les gains liés au travail des artistes ; le revenu personnel représente toutes les sources de revenu (y compris l’aide financière versée pendant la pandémie) ; et le revenu des ménages donne la mesure de la situation financière familiale des artistes.
Notez que les statistiques sur le revenu tirées du recensement de 2021 portent sur l’année civile 2020, qui a été témoin de plusieurs confinements et ralentissements de l’activité artistique dus à la pandémie.
En 2020, le revenu d’emploi médian des artistes du N.-B. n’était que de 8500 $, ce qui représente environ le quart du revenu d’emploi médian de tou-te-s les travailleur-se-s de la province (35 600 $). En outre, le revenu d’emploi médian des artistes de la province est inférieur de 27 % au revenu médian de l’ensemble des artistes canadien-ne-s (11 700 $).
Le revenu personnel médian des artistes (toutes sources confondues) s’est établi à 27 400 $, soit 39 % de moins que celui de tou-te-s les travailleur-se-s du N.-B. (44 800 $) et 9 % de moins que la médiane des artistes de tout le Canada (30 200 $). Le graphique ci-dessous présente le revenu personnel médian des artistes et de tou-te-s les travailleur-se-s au Nouveau-Brunswick et au Canada.
Toujours en 2020, le revenu médian du ménage des artistes était de 82 000 $, 19 % de moins que celui de tou-te-s les travailleur-se-s du N.-B. (101 000 $) et 12 % de moins que le revenu médian de l’ensemble des artistes du pays (93 000 $).
Artistes du N.-B. par profession et industrie
Le Nouveau-Brunswick est la seule province où les artisan-e-s représentent la plus grande profession artistique, dépassant même légèrement les musicien-ne-s, la profession artistique la plus répandue dans la plupart des provinces. Du plus répandu au plus rare, voici les groupes de professions des artistes de la province :
Artisan-es : 530 (20 %)
Musicien-ne-s : 520 (19 %)
Écrivain-e-s : 360 (13 %)
Peintres, sculpteur-trice et autres artistes visuel-le-s : 290 (11 %)
Producteur-trice-s, réalisateur-trice-s, chorégraphes et personnel assimilé : 280 (10 %)
Photographes : 270 (10 %)
Danseur-se-s : 180 (7 %)
Acteur-trice-s, humoristes et artistes du cirque : 130 (5 %)
Chef-fe-s d’orchestre, compositeur-trice-s et arrangeur-se-s : 90 (3 %)
Autres interprètes : 60 (2 %)
Les arts, spectacles et loisirs constituent le plus vaste secteur pour les artistes de la province, employant environ le tiers (32 %). Dans ce secteur, c’est le groupe des artistes, auteur-trice-s et interprètes indépendant-e-s qui possède le plus grand nombre d’artistes (22 %), suivi par les compagnies d’arts d’interprétation (7 %).
Les deux secteurs suivants en importance sont celui des services d’enseignement (qui emploie 18 % des artistes du N.-B.) et celui l’industrie de l’information et culturelle (10 %). La proportion d’artistes travaillant dans ce dernier secteur est cependant la seconde plus basse au pays, derrière l’Île-du-Prince-Édouard (Î.-P.-É.) (9 %).
Bon nombre d’artistes du N.-B. travaillent aussi dans d’autres secteurs de l’économie : toutes les autres industries (à l’exception des trois plus importantes mentionnées dans les paragraphes précédents) occupent 40 % des artistes. Le pourcentage d’artistes travaillant aussi dans des industries non culturelles (40 %) est le plus élevé au pays, à égalité avec l’Î.-P.-É. Ceci est sans doute lié à la forte proportion d’artisan-e-s dans la province, dont beaucoup sont classé-e-s dans des industries telles que la fabrication et le commerce de détail, qui ne pas sont considérées comme des industries artistiques et culturelles.
Plus de 600 leaders artistiques
Un total de 640 Néobrunswickois-e-s travaillent dans les cinq groupes professionnels considérés comme des leaders du domaine des arts. La grande catégorie des producteur-trice-s, réalisateur-trice-s et chorégraphes représente environ la moitié de ce nombre :
Producteur-trice-s, réalisateur-trice-s, chorégraphes et personnel assimilé : 280 (44 % des leaders artistiques de la province)
Directeur-trice-s de bibliothèques, des archives, de musées et de galeries d’art : 160 (26 %)
Chef-fe-s d’orchestre, compositeur-trice-s et arrangeur-se-s : 90 (13 %)
Directeur-trice-s en édition, cinéma, radiotélédiffusion et arts de la scène : 80 (12 %)
Restaurateur-trice-s et conservateur-trice-s : 40 (6 %)
De ces 640 leaders, 220 (ou 34 %) sont francophones, une proportion égale à celle des francophones au sein de la main-d’œuvre provinciale.
Le N.-B. compte 1,1 % des leaders artistiques du Canada, ce qui est un peu plus que la moitié de la part provinciale de la population active canadienne (2,1 %).
Plus de 11 000 personnes en culture au Nouveau-Brunswick
Les 11 300 travailleur-se-s des arts, de la culture et du patrimoine au Nouveau-Brunswick représentent 2,7 % des 423 000 travailleur-se-s de la province, soit bien moins que la moyenne nationale de 4,4 %. Un-e travailleur-se sur 37 dans la province occupe une profession culturelle.
Les travailleur-se-s culturel-le-s représentent 1,2 % de l’ensemble de leurs homologues au Canada, ce qui est inférieur à la part provinciale de la population active canadienne (2,1 %).
En 2020, un-e travailleur-se culturel-le typique au N.-B. enregistrait :
un revenu d’emploi de 32 400, soit 9 % de moins que toute la population active du N.-B. (35 600 $) ;
un revenu personnel total de 42 800 $, 4 % de moins que tou-te-s les travailleur-se-s de la province (44 800 $) ;
un revenu de ménage de 95 000 $, 6 % de moins que tou-te-s les travailleur-se-s (101 000 $).
Sur les 11 300 travailleur-se-s culturel-le-s, 3900 (ou 34 %) sont des francophones. Cette proportion reflète celle dans la population active de la province (34 %). Dans les deux cas, il s’agit des pourcentages les plus élevés de travailleur-se-s issu-e-s de la minorité linguistique parmi les provinces.