Quels provinces et territoires ont vu leur économie culturelle croître, récemment et depuis 2010?
Mon analyse de données sur l’année 2021
Aujourd’hui, j’examine les changements dans les économies culturelles provinciales et territoriales, à l’aide de données de 2010 à 2021. Cet article se divise en trois sections :
Les changements récents au produit intérieur brut (PIB) culturel (c’est-à-dire entre 2019 et 2021), après rajustement selon l’inflation et la croissance de la population ;
Les changements au PIB culturel sur une plus longue période (de 2010 à 2021), également rajustés en fonction de l’inflation et de la croissance de la population ;
Les changements aux emplois dans le domaine de la culture sur la plus longue période (de 2010 à 2021), sans rajustement.
Des différences importantes existent entre les provinces et territoires quant aux progrès et reculs de leurs économies culturelles. Au cours des dernières années, le PIB a enregistré peu de réelles augmentations par personne ; elles furent encore plus rares à long terme. Le portrait des emplois culturels est de son côté très diversifié : entre 2010 et 2021, certaines régions ont connu des hausses et d’autres, des baisses.
Les données, issues des Indicateurs provinciaux et territoriaux de la culture 2021 de Statistique Canada, ont été publiées le 26 juin 2023. L’année documentée la plus récente est 2021.
L’éventail des mesures de l’économie culturelle, plutôt vaste, comprend (en ordre décroissant d’incidence sur le PIB du Canada) :
l’audiovisuel et les médias interactifs ;
les institutions culturelles publiques (qui sont exclues des autres domaines) ;
les écrits et ouvrages publiés ;
les spectacles sur scène ;
le patrimoine et les bibliothèques ;
l’enregistrement sonore ;
l’éducation et la formation.
Vous trouverez d’autres remarques sur ces données à la fin de cet article.

Changements récents au PIB par province et territoire : un rebond en 2021?
L’an dernier, en analysant la même source de données, j’ai constaté que l’économie culturelle de l’Alberta a subi son pire revers en 2020. La première figure du présent article met cette analyse à jour en posant un regard sur le rebond de l’économie culturelle de chaque province et territoire. Le graphique illustre les changements aux PIB du secteur culturel entre 2019 et 2021, après rajustement en fonction de l’inflation et de l’augmentation de la population.
Il y eut peu de véritables augmentations par personne du PIB au cours de cette période ; seuls deux territoires en ont vu une, soit le Nunavut (+6 %) et les Territoires du Nord-Ouest (+1 %). La Colombie-Britannique a également avancé de 0,3 %.
De l’autre côté du spectre, les économies culturelles les plus durement touchées ont été celles du Québec (-10 %), de l’Alberta (-8 %) et de la Saskatchewan (-7 %), toutes sous la moyenne nationale de -5 %.
L’économie culturelle de l’Ontario a encaissé un recul de 5 % entre 2019 et 2021, reflétant la moyenne nationale. Les cinq autres provinces et le Yukon ont enregistré des baisses moindres que la moyenne nationale (de -0,3 % au Nouveau-Brunswick à -4 % à Terre-Neuve-et-Labrador).
Plusieurs diminutions significatives du PIB culturel à long terme
Le graphique suivant affiche les changements entre 2010 et 2021 au PIB du secteur culturel, après rajustement en fonction de l’inflation et de la croissance de la population. (L’ensemble de données commence en 2010, et 2021 est l’année de statistiques provinciales et territoriales la plus récente.)
Entre 2010 et 2021, l’économie culturelle au Canada a reculé de 12 %, après rajustement pour l’inflation et la croissance de la population.
Seulement deux régions ont connu des hausses au cours de cette période, soit la Colombie-Britannique (+7 %) et le Nunavut (+4 %).
L’économie culturelle de la Nouvelle-Écosse n’a pratiquement vu aucun changement (-0,1 %), et celles de Terre-Neuve-et-Labrador et des Territoires du Nord-Ouest ont quant à elles subi une légère baisse (-3 % chacune).
Huit régions, excluant le Canada en entier, ont encaissé un recul dans les deux chiffres entre 2010 et 2021.
Les provinces ayant eu les plus forts déclins de leur économie culturelle sont l’Alberta (-24 %) et le Nouveau-Brunswick (-23 %), tandis que six autres régions ont enregistré des diminutions par personne situées entre 12 % et 18 %, soit le Yukon (-12 %), l’Ontario (-13 %), la Saskatchewan (-13 %), le Manitoba (-13 %), l’Île-du-Prince-Édouard (-17 %) et le Québec (-18 %).
Une augmentation significative des emplois de la culture en Colombie-Britannique, un portrait mitigé ailleurs
Le dernier graphique présente un portrait mixte des changements aux emplois culturels entre 2010 et 2021.
Dans l’ensemble du Canada, le nombre d’emplois dans le secteur culturel a augmenté de 2 % entre 2010 et 2021.
La Colombie-Britannique a connu une impressionnante augmentation de 28 % de ses emplois culturels. Quatre autres régions ont aussi connu des hausses, quoique moindres : les Territoires du Nord-Ouest (+6 %), la Nouvelle-Écosse (+4 %), l’Ontario (+2 %) et le Yukon (+0,8 %).
Le Manitoba a fait du surplace (0,0 %) et la Saskatchewan a fait un petit pas vers l’arrière (-0,4 %).
Les emplois culturels des six régions restantes ont plutôt subi un revers : -2 % au Nunavut, -6 % au Québec, -7 % à l’Île-du-Prince-Édouard, -13 % à Terre-Neuve-et-Labrador, -14 % en Alberta et -23 % au Nouveau-Brunswick.
Remarques
Cet article analyse les estimations de Statistique Canada de l’impact des produits culturels, c’est-à-dire la production de biens et de services culturels par les établissements des industries culturelles et non culturelles.
Statistique Canada définit le PIB du secteur culturel comme étant « la valeur économique ajoutée associée aux activités de la culture. Il s’agit de la valeur ajoutée par la production de biens et de services de la culture dans l’ensemble de l’économie, sans égard à l’industrie productrice. L’emploi lié à la culture représente le nombre d’emplois liés à la production de biens et de services liés à la culture ».
Les calculs tiennent compte de six principaux secteurs (que Statistique Canada appelle « domaines ») :
Spectacles sur scène (cette catégorie comprend les arts de la scène, les festivals et célébrations culturelles, et exclut les organismes publics qui font partie du domaine « Gouvernance, financement et soutien professionnel ») ;
Arts visuels et appliqués (comprend l’architecture, la publicité, l’artisanat, le design et autres œuvres d’art) ;
Écrits et ouvrages publiés (comprend les livres, journaux, périodiques et autres activités d’impression) ;
Audiovisuel et médias interactifs (comprend la radiotélédiffusion, les films et vidéos et les médias interactifs, exclut les organismes publics qui font partie du domaine « Gouvernance, financement et soutien professionnel ») ;
Enregistrement sonore (et édition de musique) ;
Patrimoine et bibliothèques (comprend les bibliothèques, les archives et le patrimoine culturel et naturel privés, exclut les organismes publics qui font partie du domaine « Gouvernance, financement et soutien professionnel »).
Trois domaines connexes sont aussi inclus :
Gouvernance, financement et soutien professionnel (comprend, entre autres, tous les lieux publics de diffusion de la culture, qui ne sont donc pas comptabilisés dans les autres domaines, comme le patrimoine et les bibliothèques, les spectacles sur scène, les arts visuels et appliqués, etc.) ;
Éducation et formation (comprend les programmes culturels offerts par les établissements d’éducation et de formation) ;
Multidomaine (comprend les éléments qui ne peuvent pas être attribués à un seul domaine).
Ces données ne nous permettent pas d’estimer la valeur ajoutée des arts (séparément des autres éléments culturels et patrimoniaux), car plusieurs domaines de la liste ci-dessus englobent des éléments pouvant appartenir aux arts, à la culture et au patrimoine. Par exemple, le domaine des « arts visuels et appliqués », bien qu’il puisse sembler correspondre à la catégorie des « arts », comprend aussi l’architecture, la publicité et le design, trois sous-domaines qui ne sont généralement pas inclus dans les arts.
Les données ne reflètent que les incidences directes et sont donc relativement modestes. Des éléments couramment mesurés tels que les incidences indirectes (la redistribution des dépenses des organismes culturels) et induites (la redistribution des salaires gagnés par les travailleur-euse-s de la culture et le personnel des fournisseurs) sont exclus. Malgré ces chiffres plus modestes, l’approche plus serrée présente des avantages : les estimations sont comparables entre les provinces ou territoires et avec le PIB d’autres secteurs de l’économie.
Les calculs de l’inflation et du PIB par personne ont été effectués à l’aise de données de l’Indice des prix à la consommation, moyenne annuelle, non désaisonnalisé et des Estimations de la population au 1er juillet, par âge et par genre.