Comment se portent les artistes canadien-ne-s?
Signes d’une crise de l'accessibilité financière
Les ressources humaines sont une question très importante dans de nombreux secteurs de la société canadienne, et la culture n'est pas différente. L'environnement actuel offre de nombreuses opportunités et de nombreux défis aux artistes et aux autres personnes qui travaillent dans le domaine des arts, de la culture et du patrimoine. Cependant, on sait relativement peu sur l'état des ressources humaines dans le secteur culturel au Canada, en dehors des statistiques macroéconomiques du recensement et d'autres sources, ou d'informations anecdotiques sur des personnes spécifiques travaillant dans le secteur.
Reconnaissant le besoin de plus d'information, le Conseil des ressources humaines du secteur culturel (CRHSC) a demandé à Hill Stratégies, au début de l'année 2024, de mener une enquête sur l'accessibilité financière et les conditions de travail dans les carrières des artistes et des autres travailleur-se-s du milieu culturel.
L'enquête a reçu 1 170 réponses, dont 688 provenant d'artistes. Ce résumé se concentre sur les réponses des artistes, qui constituent le cœur du milieu culturel. Dans deux semaines, nous publierons un rapport distinct sur les travailleur-se-s culturel-le-s non artistes.
De nombreux autres détails sont disponibles dans le rapport complet, qui peut être consulté ici (pdf).
Les emplois multiples sont courants
La plupart des artistes font du travail autonome (51 %) et en apprécient la flexibilité de leur travail, leur liberté, leur contrôle et le sentiment d'accomplissement. La plupart des artistes interrogé-e-s (54 %) travaillent à domicile, alors que seulement 20 % de la population active canadienne fait de même.
Près des trois quarts des artistes (71 %) ont plus d'un emploi, et beaucoup de leurs seconds emplois se trouvent dans le milieu culturel. En fait, 51 % des artistes contribuent à la fois leur travail artistique et leur second emploi au secteur culturel.
L'enquête s'est penchée sur la nature des seconds emplois des artistes et a révélé que l'acquisition de nouvelles compétences en est l'aspect le plus important (choisi par 78 %). L'enquête a également révélé que les seconds emplois sont courants tout au long de la carrière de la plupart des artistes (77 %).
Environ deux tiers des artistes interrogé-e-s (68 %) aiment leur deuxième emploi. Environ la moitié (52 %) ont déclaré qu'ils gagnent beaucoup plus d'argent dans leur deuxième emploi que dans leur emploi principal. Moins d'un-e artiste sur deux (41 %) déclare que son second emploi est très stressant.
Environ deux tiers des artistes (65 %) enseignent dans le domaine des arts. Parmi ces personnes, il y a un partage presque égal en trois parties en ce qui concerne leur vision de l'enseignement des arts : 31 % considèrent que l'enseignement fait partie intégrante de leur pratique artistique, 33 % considèrent qu'il est secondaire à leur pratique artistique, et 36 % considèrent qu'il se situe quelque part entre ces deux extrêmes.
Faibles revenus
Les revenus sont faibles pour beaucoup d’artistes, la moitié (51 %) ayant un revenu personnel total inférieur à 40 000 $. En ce qui concerne les revenus provenant de sources du secteur culturel, deux tiers (66 %) ont gagné moins de 40 000 $ en 2023, dont 21 % qui en ont tiré moins de 10 000 $.
Signes d'une crise de l'accessibilité financière chez les artistes
Les résultats de l'enquête indiquent une crise de l'accessibilité financière chez les artistes : le stress financier est très courant (70 %), et seulement 30 % sont satisfait-e-s du caractère abordable de leur logement. Étant donné que plus de la moitié des artistes travaillent à domicile, cette statistique est particulièrement inquiétante.
Dans ce contexte, 91 % des artistes interrogé-e-s ont dû faire quelque chose en 2023 pour tenter de surmonter leurs difficultés financières. Les mesures les plus courantes pour tenter de joindre les deux bouts ont été la réduction des dépenses (67 %) et le recours aux épargnes ou investissements (53 %).
Qu’en est-il des artistes méritant l'équité?
Le rapport complet fournit des indicateurs financiers clés par région et pour les artistes méritant l'équité. L'analyse suggère que les défis financiers sont particulièrement graves pour les artistes autochtones et/ou racisé-e-s, les artistes sourd-e-s et/ou ayant un handicap, les artistes femmes et/ou de genres diversifiés, et les jeunes artistes. En revanche, la situation financière d'autres groupes d'artistes est assez similaire aux moyennes générales : c’est le cas des artistes LGBTQ2SIA+, des artistes de langues officielles minoritaires et des artistes de différentes régions du pays.
Appuis et défis professionnels
Les résultats de l'enquête indiquent qu'une communauté artistique solidaire est essentielle à la réussite des artistes. Deux tiers des artistes (67 %) ont indiqué que le soutien d'autres artistes ou travailleur-se-s culturel-le-s les avait beaucoup aidé-e-s dans leurs carrières.
Les artistes sont confronté-e-s à de nombreux défis importants concernant les réseaux commerciaux ou de soutien. Environ deux tiers des artistes interrogé-e-s ont choisi les bourses et les ventes comme défis importants. Viennent ensuite les chasses gardées et le manque de compréhension de leur travail.
Les bourses et les ventes sont à nouveau en tête de liste lorsque les artistes ont sélectionné le premier défi à changer si on leur donnait une baguette magique :
Possibilités limitées de bourses ou subventions (27 %)
Possibilités limitées de vente ou de travail (20 %)
Les chasses gardées, entraves et obstruction d’autrui (« gatekeeping ») (17 %)
Le manque de valeur que la communauté accorde à leur travail (13 %)
Obstacles systémiques et défis en matière de santé mentale
Environ trois quarts des artistes interrogé-e-s (78 %) ont déclaré avoir rencontré des obstacles systémiques au cours de leurs carrières. Le sexisme et l'âgisme sont les plus courants, mais beaucoup d’artistes sont confronté-e-s à une variété d'autres barrières systémiques, y compris des défis liés à la classe, à la race, à la capacité ou au handicap mental, à la capacité ou au handicap physique, à la langue et à l'orientation sexuelle.
En ce qui concerne leur santé mentale, presque autant d'artistes sont insatisfait-e-s que satisfait-e-s. Cette constatation va à l'encontre des données de Statistique Canada pour l’ensemble de la population : plus de deux fois plus de personnes considèrent leur santé mentale comme très bonne ou excellente que comme passable ou mauvaise.
Un signe d'espoir? De résilience?
Malgré tous les défis, environ la moitié des artistes interrogé-e-s choisiraient à peu près la même voie advenant la possibilité de recommencer leurs carrières. Cependant, un-e artiste sur cinq ne choisirait pas à nouveau la même voie, et un tiers ont répondu « Pas sûr-e. Peut-être ». Il y a un rayon de soleil dans le fait qu'une grande majorité des artistes (71 %) sont satisfait-e-s de leur travail principal dans le domaine des arts et de la culture.